Réflexion sur la vie associative, regardant de petites tentes sur un pont


Johan Leman, 16 décembre 2022

16 décembre. Ici, un peu plus loin, sur un pont entre Molenbeek et la ville de Bruxelles, on pouvait et on peut voir des gens allongés dans des tentes, dans le froid, pendant des jours et des nuits. Des personnes et des associations leur apportent occasionnellement quelque chose à manger et à boire.

Je pense que tout le monde se rend compte que ce qui se passe ici n’est pas dû à un manque de moralité individuelle de la part des décideurs politiques. Dans ce cas particulier, on peut vraiment le supposer. Ce qui est en jeu ici, c’est un différend politique. D’une part, il y a la position de la direction d’une municipalité (Molenbeek) qui est structurellement pauvre et qui a déjà un lourd fardeau à porter lorsqu’il s’agit d’accueillir de nouveaux arrivants – sans ressources financières – venant de l’étranger, une municipalité qui est aussi très souvent stigmatisée, alors qu’elle fait un effort énorme pour se débarrasser de ce stigmate. Quelqu’un s’est récemment demandé s’il était encore en Belgique quand il se promenait à Molenbeek. Et d’autres politiciens et de nombreux médias ont approuvé la question. Quelque chose comme ça laisse des traces. Cette commune se demande pourquoi à Bruxelles, ce sont toujours des communes comme Molenbeek qui doivent payer l’accueil pour des personnes qui vivent des problèmes, et pourquoi pas Uccle, par exemple ? D’un autre côté, il y a la position d’une secrétaire d’État responsable de l’accueil des demandeurs d’asile, qui se rend compte que chaque personne qui passe la nuit dehors dans la rue ternit son crédit “moral”… et qui sait qu’il y a un espace disponible à Molenbeek qui pourrait permettre aux gens de quitter ce pont pour un logement correct. Deux intérêts politiques entrent en collision ici. Permettez-moi de ne pas proposer la solution en tant que timonier à terre. Évidemment, une telle chose me choque, vous aussi, et je pense que même les décideurs politiques concernés se sentent choqués.

Ce sont ces moments qui montrent que l’élaboration des politiques a ses limites, surtout dans un cadre politique d’inspiration néolibérale. C’est vrai, dans des cas pareils, des individus peuvent prendre temporairement une initiative, une idée qui est ensuite présentée par certains ministres néolibéraux comme la réponse idéale… mais pour pareille réponse  ait un caractère à plus long terme, elle doit en même temps être soutenue par des associations. Sinon, cela mène à une impasse. Ce sont de telles expériences et de tels moments qui devraient inciter les jeunes à voir le sens d’un engagement dans la vie associative. Parce que ce qu’ils voient se produire maintenant sur ce pont n’est qu’un exemple des heurts et des courts-circuits en politique qui apparaîtront de plus en plus. Plus la polarisation s’enracinera dans la politique, plus il sera difficile de maintenir une société vivable et humaine. La responsabilité de cette dernière incombera de plus en plus à une instance extérieure à la politique… et le vide ne sera pas comblé par l’organisation d’une action humanitaire temporaire.

Certains voient le problème, mais cherchent ensuite curieusement la solution dans un remède de cheval qui ne peut qu’aggraver le problème, à savoir vouloir créer un nouveau parti politique là où il y en a déjà trop. Cela ne peut pas être la solution.

La seule solution réaliste consiste à faire revivre ou à repenser la vie associative et à lui rechercher une plus grande stabilité. Ce sont ces associations qui seront le porte-parole des gens à l’avenir et des lieux où il n’y aura pas de polarisation. Ce ne sont pas les médias sociaux qui le feront. Foyer veut être une telle association. Et d’ici, nous vous adressons nos meilleurs vœux de Noël et de Nouvel An pour 2023.

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