Le mantra du guichet unique


Johan Leman, 31 janvier 2022

Depuis deux décennies, le principe du guichet unique est devenu la philosophie de base du gouvernement flamand.

L’idée est la suivante : créez un point de contact central pour toutes les plaintes et tout deviendra beaucoup plus clair pour le citoyen qui cherche une réponse pour sa plainte. Il en va de même pour la planification du travail social : créez un conseil d’administration central et un directeur général et tout se déroulera de manière beaucoup plus fluide et rationalisée. Le vocabulaire associé au mantra du guichet unique comprend : gains d’efficacité, transparence, fluidité et consultation. Le mot “bénéfice financier” a disparu de la liste depuis un certain temps, car on constate qu’à la fin de l’opération, celle-ci s’avère toujours beaucoup plus coûteuse qu’avant. Et tôt ou tard, même le décideur le plus habile à dissimuler la réalité décevante, doit admettre qu’elle commence à paraître trop évidente.

Ce qui est frappant dans ces opérations, c’est que l’on voit rarement des personnes qui ont elles-mêmes construit quelque chose, ou qui ont elles-mêmes géré avec succès quelque chose dans le secteur social dans les discussions. Il s’agit généralement de jeunes ex-étudiants d’un bureau de consultancy qui, en peu de temps, sont devenus très habiles à élaborer des figures et des schémas avec beaucoup de petites flèches pointant dans toutes les directions possibles… et qui, presque toujours, ne comprennent rien ni ne peuvent s’imaginer certains mécanismes élémentaires du travail social.

À la fin de ma carrière – et j’ai vu et vécu pas mal de choses, tant sur le terrain que sur le plan administratif – j’oserais dire que 50 membres du personnel est la composition idéale d’un travail social sur le terrain et 100 est un maximum absolu, et il faut ensuite avoir une très bonne gestion. Raisons : dans le travail social, les relations fondées sur la confiance (entre soi et envers les personnes avec et pour lesquelles on travaille), la compétence jusque dans le détail, la proximité directe, la flexibilité et la réinvention constante de soi sont cruciales. On ne peut pas réaliser et maintenir cet esprit dans les grandes structures, et je ne veux pas dire qu’il n’y peut pas y avoir des personnes qui travaillent durement dans les grandes structures… mais à distance.

Lorsque j’étais directeur du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme (centre qui avait une assez grande visibilité à l’époque), l’un de mes plus gros problèmes était que, même avec une grande visibilité, on restait inconnu pour beaucoup de gens en tant que centre, sans parler du fait qu’on manquait de contact avec les situations locales. Nous avons désespérément cherché des points de répère locaux loin de Bruxelles… mais nous nous sommes heurtés aux frais de déplacement, à la perte de temps et autres.

Inévitablement, un jour, le mantra du guichet unique prendra fin. Mais il sera dommage que tant de choses aient été perdues entre-temps, qui auraient pu être réactivées d’une manière totalement différente.

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