La Nouvelle Belgique, une histoire de migration 1944-1978 (partie I)


Johan Leman, 13 septembre 2021

Je lis actuellement le livre de Tom Naegels sur l’histoire migratoire de la Belgique entre 1944 et 1978. Je suis arrivé au chapitre 9 (“Frontières ouvertes”). Le livre comporte 14 chapitres et un total de 413 pages.

J’ai l’intention d’écrire un commentaire sur ce livre en deux contributions. Voici ma première contribution.

Tout d’abord, un mot sur la méthode de travail. L’auteur s’appuie largement sur les archives. La qualité des résultats dépend donc aussi de la qualité des archives. L’impression que j’en retire est que l’auteur a vraiment consacré beaucoup de temps et d’efforts à trouver le meilleur matériel d’archives possible. Il combine ce matériel avec des lettres et des comptes rendus de conversations avec des migrants ou leurs enfants, un matériel qui remonte à la même période que le matériel des archives officielles et un matériel que l’on peut également trouver dans les archives de certaines associations. Cela donne un aperçu très intéressant. Laissez-moi le dire ainsi. J’ai moi-même enseigné la politique migratoire à la KU Leuven pendant de nombreuses années. Je me suis référé aux publications connues lorsqu’il s’agissait du passé. Je dois avouer que le livre de Naegels fournit des informations complémentaires intéressantes et une exposition, bien documentée. Les informations que j’ai données aux étudiants pendant les cours étaient correctes, mais aujourd’hui je conseillerais aux étudiants de lire en même temps le livre de Naegels : il rend tout plus vivant, plus fluide… Des choses comme les migrations du Maroc et de la Turquie n’ont pas simplement suivi un traité conclu par les gouvernements. Ces traités gouvernementaux réglementaient en fait des processus qui avaient déjà été partiellement mis en œuvre par le monde des affaires (comme Fédéchar).

Ce qui est également très intéressant dans ce livre, c’est que les migrations sont contextualisées historiquement. Par exemple, les premières migrations de la Turquie vers l’Allemagne, ou la raison pour laquelle les Marocains ont été préférés aux Algériens en Belgique, ou … dès le début, les casernes où ont été accueillis les premiers Italiens d’après-guerre, qui ont souvent pris la place des personnes déplacées allemandes, des prisonniers de guerre allemands au moment de la libération.

Des informations très intéressantes sont donc données. Ce qui m’impressionne quand même beaucoup, c’est l’influence du monde des affaires, les captains of industry de cette époque là… où la politique suit souvent leurs décisions pour remettre les choses en ordre, mais toujours avec modération. Avec l’exception peut-être de la décision d’Achilles Van Acker pour le charbonnage. Un autre ministre important a été Servais. Mais dans beaucoup d’autres cas, les ministres servaient surtout à ajuster des situations créées par l’entreprenariat.

Je continue à lire le chapitre 9 avec grand intérêt, et j’attends avec impatience le prochain livre de Naegels, qui traitera des migrations après 1978. S’il parvient, par exemple, à retrouver toutes les archives sur les discussions entre les représentants de l’Islam et l’Etat belge, il en ressortira un tableau beaucoup plus nuancé que celui esquissé aujourd’hui dans la littérature académique.

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