Ne faites pas de Molenbeek un “non-lieu” culturel


Johan Leman, 9 septembre 2025

Un “non-lieu” est un endroit où l’on organise les choses comme on le fait un peu partout. Par exemple : vous organisez quelque chose à Bruxelles, à un endroit donné, d’une manière telle qu’en réalité cela pourrait tout aussi bien se dérouler à Molenbeek, Schaerbeek ou Anderlecht, et où les visiteurs se retrouvent face à quelque chose qui pourrait avoir lieu n’importe où.

Quiconque connaît suffisamment Molenbeek sait que cette commune possède aujourd’hui un potentiel qui dépasse largement celui d’un “non-lieu”. Il y a un passé exceptionnel et il existe un énorme potentiel social et culturel, mais il est clairement sous-développé et trop rarement porté à un niveau qui dépasse la simple localité.

Ce potentiel est pourtant à portée de main et se trouve précisément dans ces quartiers de Molenbeek, le long du canal, perçus aujourd’hui comme les plus problématiques. La tragédie de Molenbeek est que ce potentiel, soit on ne le voit pas, soit on ne le développe pas. En réalité, cela renvoie à trois phases historiques, assez uniques pour la Belgique, mais pas au niveau européen ou mondial :

  • la grande industrialisation (le petit Manchester entre 1830 et 1914),
  • l’entre-deux-guerres (1918-1940) avec ses architectes fort intéressants,
  • puis la multiculturalisation progressive.

Les traces à développer de ces trois périodes sont à portée de main.

Socialement et culturellement, deux scénarios sont possibles :

Premier scénario : on méconnaît largement ce qui existe et l’on importe la Culture avec un grand C de l’extérieur, en essayant de préparer la population à la recevoir et en activant les sous-cultures existantes à leur niveau populaire.

Deuxième scénario : on essaie d’élever les sous-cultures populaires existantes à un niveau supérieur et de développer le lien avec la richesse du passé disparu mais encore latent.

Le premier scénario a l’avantage d’être rapidement applicable, mais il ne connaîtra qu’un succès superficiel et sera vite rejeté. Le deuxième scénario exige du temps, un travail intensif, une solidarité poussée entre associations prêtes à s’engager localement, bien entendu aussi une aide et un apport de l’extérieur, mais il conduira à des résultats durables.

Molenbeek 2030… quel scénario choisira-t-on ?

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