Peut-on expliquer le succès d’une sympathie pour des théories du complot ?


Johan Leman, 18 novembre 2022

Ces dernières semaines, j’ai fait l’effort d’écouter une dizaine de personnes qui défendent ou sympathisent avec des théories du complot. J’ai aussi essayé de comprendre comment ils en sont arrivés à cette sympathie pour le complot. Ce que j’ai fait n’est pas une recherche scientifique. Prenez-le donc avec un gros grain de sel, mais peut-être y a-t-il quelque chose là-dedans quand même…..

La première chose qui m’a frappée, c’est que la religion n’intervient près d’aucun d’entre eux. Ce qui compte, c’est qu’ils attribuent aux médias sociaux une autorité et une crédibilité au moins équivalentes à celles des médias traditionnels. Ils invoquent ici deux arguments : les médias grand public sont payés par des personnes fortunées ou par des autorités politiques, et sur les médias sociaux, ils voient que certains académiques, ou supposés tels, défendent finalement aussi leur théorie du complot. À leurs yeux, le fait que les experts qui défendent leur théorie du complot soient marginaux témoigne de leur crédibilité. Après tout, « la plupart des experts sont payés par le gouvernement et l’establishment », “et vous voyez toujours les mêmes qui reviennent, qui ont l’air bien pour le gouvernement et bien dans les médias” (sic). Appliqué aux vaccins Corona, par exemple, quelqu’un dira que tout le monde devrait sûrement savoir que l’un des promoteurs de ces vaccins est quelqu’un qui a déclaré il y a quelques années que nous sommes 15% de trop à vivre dans ce monde. “Mais ces experts gouvernementaux ne le mentionnent jamais,” me déclare cet informateur complottiste. Deux d’entre eux suggèrent – en passant – un possible lien avec du « capital juif ». En d’autres termes… dans quelques cas – heureusement pas une majorité – l’antivax et l’antisémitisme pourraient ne pas être si éloignés l’un de l’autre. En outre, chacun de mes conspirationnistes a quelque part une ou deux ‘phrases à leurs yeux contestables’ que quelqu’un ‘de l’autre côté’ aurait prononcées à un moment donné, qu’elles soient vraies ou fausses. Mais ces phrases compromettent le « main stream thinking».

Ce qui est très clair, c’est que le manque de confiance dans ce qui est considéré comme l’establishment joue un rôle énorme parmi les 10 personnes conspirationnistes auxquelles j’ai parlé. Et puis ils font référence par exemple à des gens comme Blair ou Bush et ce qu’ils racontaient avant la première guerre du Golfe, bref… à toutes les erreurs possibles qui ont pu se produire dans la communication officielle.

Ma conclusion serait : Autorités publiques, soyez prudents dans vos communications. De préférence, le moins d’erreurs possible. Académiques, soyez également prudents dans vos relations avec les autorités publiques. Médias, ne vous facilitez pas trop la tâche… et veillez à varier vos propositions d’experts. Cela ne veut pas dire qu’il faut donner plus de place à des complottistes, mais peut-être plus de variation parmi les experts. Je sais, il n’y a que 24 heures dans une journée et il est compréhensible que les médias préfèrent travailler avec des valeurs fixes et des gens qui présentent bien… et cela permet même probablement de booster le nombre de followers… mais il y a probablement un prix à payer dont profitent les défendeurs des théories de complot en agissant ainsi, surtout si les gens commencent à douter que tout ce que disent les experts soit vrai… et en ratrappent un sur une petite erreur. Ils se rabattent alors sur les médias sociaux. Mais encore une fois, je ne me base pas sur des recherches scientifiques, juste sur des conversations approfondies avec une dizaine de conspirationnistes.

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