Autorités: Tout numériser ? Et plus rien « offline »?


Johan Leman, 31 mars 2023

Faut-il s’opposer au développement d’une numérisation totale dans les administrations ? Une opposition contre une numérisation d’une grande portée n’est ni réaliste ni souhaitable. Toutefois, en tant que gouvernement, il convient d’examiner attentivement s’il existe des groupes spécifiques qui sont exclus de la communication gouvernementale pu des autorités et s’il s’agit de groupes importants d’exclus qui restent constants au fil des ans.

Si tel est le cas, un groupe en particulier ne suit pas la numérisation depuis 20 ans, à savoir les personnes âgées de 80 ans et plus, qui sont peu instruites et dont le revenu net ne dépasse pas 1000 à 1500 euros par mois.

Quelques chiffres qui proviennent des “Belgian Ageing Studies” et que l’on peut retrouver dans l’article « Iedereen aan boord van de digitale snelheidstrein ? » = “Tout le monde à bord du train de la vitesse numérique ?” (J. Campens et N. De Witte, in « Ongehoord en Ongezien », J.  Vranken, P. De Decker, D. Verté et R. Crivit, ed., 2023).

Observations :

Seule 1 personne sur 10 parmi les plus de 80 ans, n’ayant pas suivi d’études ou ayant suivi au plus l’enseignement primaire, et disposant d’un revenu net maximal de 1 000 euros nets par mois, a  eu accès à l’internet entre 2004 et 2021.

Seulement 2 personnes âgées de plus de 80 ans sur 10, n’ayant pas suivi d’enseignement primaire ou l’ayant suivi au maximum, et disposant d’un revenu net de 1 500 €/mois maximum, ont eu accès à l’internet entre 2016 et 2021.

Le retard dans ce groupe était légèrement plus important pour les femmes que pour les hommes.

Il est important de noter que ce résultat n’a pas changé depuis 20 ans. Un gouvernement devrait en tirer des conclusions.

Une autre constatation est que, pour l’ensemble des personnes âgées, y compris celles de moins de 80 ans, il existe des différences dans l’utilisation de l’internet. Pour la recherche d’informations, l’utilisation du courrier électronique et des services bancaires en ligne, 70 à 90 % des personnes interrogées participent. En revanche, pour les relations avec les autorités ou l’administration, les achats en ligne et la messagerie instantanée, l’utilisation de l’internet par les séniors est limitée à 20-40 %.

En d’autres termes, les autorités doivent se tenir au courant des développements en ligne près de tous les gens, sous peine de se mettre elles-mêmes dans les problèmes et de mettre une partie de la population hors  jeu.  Les autorités doivent donc continuer à garantir une offre hors ligne, adaptée au moins aux personnes âgées de 80 ans et plus, peu qualifiées et à faible revenu. Dans le cas contraire, les autorités pratiquent une discrimination dont elles sont au courant et manquent ainsi gravement à leur mission. Après tout, il s’agit d’un groupe significatif et vulnérable de personnes, et ce groupe restera encore comme ça pendant un certain temps, aussi longtemps qu’il y a un groupe de personnes avec les caractéristiques susmentionnées.

Il est clair que d’autres personnes éprouvent également de sérieuses difficultés à gérer l’ensemble de leurs communications avec les autorités sur l’internet. Il ne s’agit pas seulement des plus de 80 ans. On peut les laisser participer aux programmes hors ligne que l’on élabore pour les plus de 80 ans.

PS. Un article entier est paru sur cette question dans Le Soir (27.03.2023), “La fracture numérique continue de se creuser”, et le Foyer soutient également l’action lancée par “Lire et Ecrire” dans ce même contexte.

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